Depuis plusieurs mois, une grande partie de notre planète est touchée de plein fouet par la pandémie de Coronavirus. Une situation sans précédent tant son impact dépasse largement celui d’une crise sanitaire. Ses répercussions se font en effet sentir dans des pans entiers de notre société et, évidemment, aussi dans la province du Hainaut. Et si aujourd’hui il est encore difficile de faire un état des lieux complet de l’ampleur de la crise et de son impact, il est néanmoins déjà évident que la pandémie de COVID-19 va créer un précédent dans notre histoire moderne. Depuis la Seconde Guerre mondiale, notre pays n’avait plus connu autant de bouleversements dans un laps de temps aussi court et pour une période dont la durée est encore inconnue. Une incertitude qui renforce le caractère exceptionnel de la situation.
Ce dossier n’a pas vocation à revenir sur l’ensemble des paramètres de cette crise ou de dresser un état des lieux complet de la situation en Hainaut, que ce soit d’un point de vue sanitaire, économique, social, culturel ou encore, pédagogique. Elaboré en quelques jours seulement, il ambitionne modestement de mettre en lumière les nombreux acteurs hainuyers qui ont œuvré ou œuvrent encore, pour certains, nuits et jours, à la lutte contre le Coronavirus. Une mobilisation, elle aussi, sans précédent dont il n’est évidemment pas possible de dresser un état des lieux exhaustif.
Le secteur hospitalier au cœur du combat
Depuis le 13 mars, comme dans le reste du pays, les hôpitaux du Hainaut ont enclenché leur plan d’urgence. Une mobilisation du secteur hospitalier jamais vue. En quelques heures, des centaines de consultations et opérations ont été annulées. Des services entiers ont été réorganisés afin de faire face à un afflux important de patients potentiellement porteurs du COVID-19.
Aux abords de certains hôpitaux, des infrastructures d’accueil provisoires ont été mises sur pied en quelques heures afin de limiter les risques de contamination. Du personnel de services impactés par la suppression des consultations et opérations non urgentes a été formé et mis à disposition des unités spéciales COVID-19.
Une intense collaboration inter-hospitalière
Au plus fort de la crise, les collaborations entre les différents hôpitaux et réseaux hospitaliers ont été maximales. Touchée de plein fouet par la pandémie, la région de Mons et du Borinage a ainsi vu plusieurs de ses hôpitaux approcher dangereusement, voire atteindre, la saturation. Plusieurs patients montois ont alors pu rejoindre d’autres établissements dans la province, notamment le CHR Haute Senne, à Soignies. Légèrement moins exposés, les hôpitaux de Charleroi ont pu, eux aussi, jouer la carte de la solidarité avec leurs homologues de la province. Lorsque certains voyaient leur service de soins intensifs saturé, le centre d’appel 112 du Hainaut a ainsi pu détourner certains nouveaux patients vers le sud de la province.
Confrontés à une importante pénurie de protections individuelles, les hôpitaux ont pu compter sur la solidarité de nombreux bénévoles anonymes. Un formidable élan qui a permis aux personnels soignants de disposer du matériel indispensable à la prise en charge des patients touchés par le Coronavirus. A La Louvière, le CHU Tivoli a ainsi lancé un véritable atelier de confection de tenues de protection. Installé, dans un premier temps, au dernier étage de l’hôpital, dans le restaurant du personnel, l’atelier, qui a vu plusieurs dizaines de bénévoles se relayer, a pris ses quartiers au Louvexpo.
Soumis à rude épreuve, les hôpitaux hainuyers ont, durant plusieurs jours, en avril, accueillis plus de 700 patients touchés par le COVID-19, avec un pic atteint le 14 avril où
764 personnes étaient hospitalisées dans des services COVID-19 ou au sein d’unités de soins intensifs. Des chiffres qui font du Hainaut l’une des provinces belges les plus touchées par la pandémie.
Elan de solidarité
Cette situation inédite au sein des hôpitaux a suscité des manifestations de soutien, toutes aussi exceptionnelles. A côté des nombreux restaurateurs qui ont livré des centaines de repas aux personnels soignants, des entreprises qui ont cédé des masques ou des éléments de protection individuelle ou encore, des particuliers qui se sont mobilisés de diverses manières, de nombreux dons sont aussi parvenus aux hôpitaux.
Certaines institutions se sont également mobilisées en faveur des services de santé. Ainsi, le Fonds pour la Recherche médicale dans le Hainaut (FRMH) a lancé un appel aux dons en faveur des hôpitaux du Hainaut. Et, en quelques jours à peine, ce sont 100 000€ qui ont été récoltés. Une enveloppe qui a principalement été divisée entre les différents hôpitaux partenaires du FRMH: le CHU Ambroise Paré, le CHU Tivoli, le CHU de Charleroi, le Grand Hôpital de Charleroi, EpiCURA et le Groupe Jolimont. “Ces dons ont principalement servi à l’acquisition de matériel tels qu’un respirateur, des masques FFP2, des lunettes et blouses de protection, l’aménagement d’une salle de réanimation, du matériel médical et de ventilation ainsi que des tablettes pour vidéocalls pour les patients”, a indiqué le FRMH.
Le Fonds a également reversé 8 000 € au FabLab de Mons pour l’achat de matériel nécessaire à la confection de visières de protection (voir plus bas).
Enfin, le FRMH a également alloué 5 000 € à une étude européenne coordonnée par l’UMONS et qui a pour objectif d’analyser le lien entre l’anosmie, la perte du goût et de l’odorat et le COVID-19.
Sollicités d’une façon tout à fait inédite dans leur histoire, les hôpitaux ont également pu compter sur la mobilisation de certains acteurs publics. Ainsi, la Province de Hainaut a, dès le 20 mars, débloqué 1,3 million d’€ afin d’acquérir 30 respirateurs. Un achat qui répondait à un appel des structures hospitalières privées et publiques du Hainaut. Des appareils qui ont été livrés au début du mois de mai et qui devraient permettre aux services de soins intensifs d’absorber moins difficilement un éventuel nouvel afflux de patients lié à une seconde vague de la pandémie.
La Province a également débloqué un budget afin de fournir les hôpitaux en masques FFP2, pousse-seringues électriques et systèmes d’oxygénation.
Une mobilisation financière qui est venue s’ajouter à celles des services provinciaux et, notamment, ceux du Gouverneur qui ont joué un rôle central dans la gestion de la crise. Notamment lors de la distribution des masques vers les professionnels de la santé ou via le recours au personnel de la Défense sollicité pour renforcer les équipes des maisons de repos.
La technologie à la rescousse
Face à la pénurie de protections individuelles, masques, gants, blouses, visières, etc., certains ont mis leur créativité au service des acteurs de la santé. Une créativité où la technologie a trouvé une place particulièrement importante. Ainsi, la communauté de l’impression 3D a été, en quelques jours, projetée sur le devant de la scène. Encore classée dans le domaine des niches technologiques, elle est apparue aux yeux du grand public comme une solution rapide et efficace à la pénurie de certains matériels.
Ainsi, de nombreux imprimeurs 3D amateurs ont rapidement proposé leurs services afin de fabriquer, par exemple, des supports pour visières de protection. En quelques jours, via des ateliers provisoires parfois installés au milieu de leur salon, ces imprimeurs 3D ont fabriqué des milliers de pièces principalement pour les professionnels de la santé.
La mobilisation des FabLabs
En parallèle de ces initiatives privées, plusieurs FabLabs (fabrication laboratory) hainuyers se sont aussi mobilisés. Dès la fin du mois de mars, en collaboration notamment avec plusieurs hôpitaux, ils ont débuté la production de visières de protection. En quelques jours seulement, le FabLab Wapi, le Fab-C (Charleroi) et le FabLab Mons ont été en mesure de lancer une importante production de protections individuelles. Une mobilisation qui est le fruit d’une belle collaboration entre les FabLabs wallons qui se sont échangés leurs procédés et leurs retours d’expériences afin de mettre au point la meilleure solution. Une entre-aide qui a permis d’accélérer le processus. Ainsi, par exemple, le FabLab de Wallonie picarde avait déjà pu, avant la fin du moins de mars, créer 1 300 visières de protection pour les personnels soignants des hôpitaux de la région. Et la collaboration s’est même intensifiée entre les trois FabLabs du Hainaut qui se sont notamment échangés des matériaux.
Mais les FabLabs ne se sont pas limités aux besoins des acteurs de la santé. Ils ont également pu apporter leur aide aux collectivités locales. A Charleroi notamment, le Fab-C a répondu à une commande de 3 000 visières pour la Ville de Charleroi. Protections que la ville a ensuite distribuées aux médecins généralistes, aux kinésithérapeutes, mais aussi au personnel soignant à domicile, aux maisons de repos, au personnel communal, au CPAS et à la zone de police de Charleroi.
Au début du mois d’avril, les 3 FabLabs hainuyers avaient déjà produit près de 20 000 visières! Et ils ne se sont pas arrêtés à cette production puisqu’ils ont su aussi s’adapter à l’évolution des besoins. Ainsi, les FabLabs ont aussi produit des pièces afin d’adapter les masques de plongée d’une célèbre enseigne d’articles de sport à un usage médical. Des attaches de masques pour soulager les oreilles des soignants sont aussi sorties de leurs imprimantes. Sans oublier la participation au projet de diviseur de flux de respirateur afin qu’il soit utilisable pour deux patients. Une innovation menée en collaboration avec Machine 3D (Valenciennes) et l’Hôpital d’Ath.
Des students inventifs et réactifs
Face à cette crise sans précédent, la réactivité de certains a, plus que probablement, contribué à sauver des vies. Une réactivité issue de tous les horizons de la société. A Charleroi, trois étudiants ont développé et lancé, en 48 heures à peine, une plateforme en ligne de mise en relation entre les institutions médicales et les experts de la conception d’objets médicaux en 3D. “Tout a démarré à la suite d’une réunion avec l’Intercommunale de Santé publique du Pays de Charleroi vendredi dernier”, explique Martin ADAM. “J’ai réalisé qu’il était urgent de créer une sorte de “bibliothèque partagée” en ligne rassemblant une multitude de pièces médicales en fichiers 3D, afin de limiter au maximum le risque de pénuries durant cette période de crise. Je ne pouvais rester impuissant alors j’ai décidé de monter une plateforme en 48h00 avec deux amis pour permettre d’aider directement les hôpitaux. Nous voulons mettre en relation les acteurs de terrain et les personnes capables de conceptualiser des pièces qui sont peut-être vitales pour lutter contre la pandémie.”1
En deux jours, PCOM3D était née. L’objectif de la plateforme est de faciliter la communication entre les institutions médicales et des groupes d’experts, rassemblant des dessinateurs, des ingénieurs, des scientifiques, et même des étudiants, afin de créer une bibliothèque libre de droits qui contient une multitude d’objets médicaux en 3D.
Les entreprises se mobilisent et s’adaptent
Si la crise sanitaire est sans précédent, la situation économique qui en découle l’est tout autant. Rares sont, en effet, les secteurs d’activités épargnés par les conséquences de la pandémie de Coronavirus. Entre les entreprises qui ont dû complétement s’arrêter, celles qui ont vu leur chiffre d’affaires fondre dangereusement ou encore, celles qui ont adapté leur production afin de répondre à de nouvelles demandes, aucun acteur économique ne sortira indemne de cette crise. Néanmoins, au moment d’écrire ces lignes, il est impossible de mesurer l’impact exact de la pandémie de
COVID-19 sur le tissu économique hainuyer. Certains secteurs, à la mi-mai, relançaient timidement leurs activités alors que d’autres, comme l’HORECA ou l’industrie culturelle et créative, allaient encore être paralysés ou presque, pendant de longues semaines ou mois.
De nouveaux produits… en urgence
Face à des demandes d’hôpitaux ou d’autres acteurs socio-économiques, certaines entreprises ont réagi extrêmement rapidement afin de développer de nouveaux produits ou services ou d’adapter leurs offres.
Plusieurs exemples sont repris en pages 6 et 7 dans les trois portraits d’entreprises que nous proposons dans ce numéro spécial du B2Hainaut. Des distilleries ont ainsi mis à disposition, notamment de pharmacies, de l’alcool afin qu’elles puissent produire du gel hydroalcoolique; et des caméras thermiques pour l’industrie ont été transformées pour être capables de détecter la fièvre.
Des opérateurs économiques mobilisés
Face à cette situation historique et aux multiples difficultés qu’elle engendre, les acteurs du développement économique hainuyer sont pleinement mobilisés afin d’apporter leur aide aux entreprises. Que ce soit IDEA, IGRETEC, IEG, IDETA, Digital Wallonia, Hainaut Développement et encore bien d’autres, ont multiplié les initiatives: call center pour les entreprises, accompagnement dans les démarches d’aides financières, formations en e-commerce ou encore, par exemple, promotion des circuits courts ou des producteurs locaux. Un accompagnement du tissu économique qui n’est évidemment qu’à son début et qui se poursuivra dans les semaines et mois à venir.
Un élan participatif à l’accent italien
Des initiatives venues directement d’autres régions touchées par le Coronavirus ont aussi trouvé des débouchés dans notre région. Ainsi, plusieurs acteurs économiques wallons et hainuyers dont Thierry LAZZERINI, patron de l’entreprise Eponyme, ont lancé la plateforme “idées suspendues” avec le soutien également du Business Club de Mons, Synergie.
Un concept né en Italie qui vise à collecter des idées à partager avec les institutions de la ville pour redémarrer le pays, en tirant parti de la créativité et de l’esprit de collaboration, des valeurs qui ont toujours permis aux Belges (et aux Italiens) d’affronter et de remporter de grands défis.2 Concrètement, chacun peut partager ses idées afin de relancer l’économie et ce, dans de multiples domaines: transports, magasins, métiers techniques, événements, HORECA ou encore, professions libérales. Une plateforme basée sur le partage et dénuée de toute intention commerciale. Chacun peut devenir gratuitement ambassadeur et proposer ses idées. En Italie, depuis le lancement de la plateforme en avril, plus de 2 000 idées ont été partagées. Une mobilisation bien nécessaire face à l’ampleur que représente aujourd’hui la relance de l’activité économique.
Aurélien LAURENT