Depuis le début des années 2000, mais surtout à partir de l’entame de la décennie actuelle, les préoccupations environnementales ont lentement mais surement progressé pour devenir, aujourd’hui, un enjeu majeur de notre société. A travers notamment de grands rendez-vous internationaux comme les conférences pour le climat, placées sous l’égide des Nations unies; des objectifs plus ou moins ambitieux ont été fixés afin de réduire l’impact environnemental de nos modes de vie. Et pour atteindre ces objectifs, de nouveaux métiers sont apparus créant ainsi une “économie verte” qui ne cesse de prendre de l’ampleur et, avec elle, la création de centaines, voire de milliers d’emplois au sein d’entreprises de plus en plus nombreuses à s’impliquer dans ce mouvement planétaire.
Recyclage: le bon bulletin belge
A travers le monde, les pays les plus industrialisés sont, de loin, les plus grands consommateurs de biens et donc, les plus importants producteurs de déchets. Certains parviennent néanmoins à contrer cette tendance. En Europe, par exemple, où la moyenne de déchets produits par habitant flirte avec les 500 kg (492 kg en 2018)1, la Belgique fait figure de bon élève. Et elle arrive même en tête des pays d’Europe de l’Ouest avec 411 kg de déchets générés par an et par habitant. En comparaison, l’Allemagne, première puissance économique du continent, dépasse les 600 kg par habitant (615 kg).
La Belgique se distingue aussi par son haut taux de recyclage puisque 78 % de ces déchets sont recyclés. Ce qui place notre pays sur la deuxième marche du podium européen derrière la Slovénie. Un pourcentage nettement plus élevé que la moyenne européenne qui franchit péniblement la barre des 50 % avec 57 % selon les chiffres de 2016.
Pour parvenir à ces résultats, la Belgique a développé une importante filière active dans la collecte et le recyclage. Si, pour la collecte des déchets ménagers, les pouvoirs publics, communes et/ou intercommunales occupent une place centrale, dans le domaine du recyclage, de nombreux acteurs privés se démarquent. Avec, souvent, un accent particulièrement mis sur l’innovation.
Un leader hainuyer
Mais dans le bilan global du recyclage belge, les déchets ménagers ne sont évidemment pas les seuls à être concernés, c’est l’ensemble de la production de déchets qui est au centre de l’attention. Et certaines entreprises ont acquis, au fil du temps, une véritable expertise, à l’image du groupe Comet, installé notamment à Obourg et Châtelet. Initialement active dans le traitement et le négoce de ferrailles, l’entreprise a diversifié ses activités dans le recyclage avec un très haut niveau de valorisation des déchets. Tous matériaux confondus, le taux de valorisation atteint 98,4 %.
Et, pour atteindre ce niveau, le groupe Comet et sa filiale Comet Traitement ont massivement investi dans le développement de nouveaux processus. Notamment dans le recyclage des véhicules hors d’usage, l’un des secteurs cibles de l’entreprise. Si la partie métallique ne représentait pas de difficultés particulières, Comet Traitement a redoublé d’efforts et de créativité pour trouver des solutions afin de traiter la partie non métallique d’un véhicule et qui échappait jusque-là au recyclage. C’est le projet Phoenix, soutenu par la Région wallonne. Via des procédés uniques, les mousses de sièges, films plastiques, caoutchouc, bois et polymères sont transformés à 55 % en carburant de synthèse, un carburant de substitution qui est utilisé au sein même de l’entreprise pour sa production de chaleur et d’électricité. Aujourd’hui, le dispositif Phoenix de Comet Traitement permet de traiter 250 kg de matière par heure, transformés en 150 litres de pétrole. Et le groupe Comet a, comme projet, de développer un dispositif équivalent mais capable de traiter 35 000 tonnes de déchets par an.
Avec ces innovations, Comet Traitement atteint le pourcentage record de 98 % de recyclage de carcasses de voitures. Un résultat qui dépasse le seuil de 95 % fixé par l’Union européenne. Une belle réussite pour cette entreprise qui emploie près de 300 personnes et dont l’actionnariat est toujours largement détenu par la famille GROSJEAN, fondatrice du groupe.
Les plastiques dans le viseur de la Wallonie
Si la Belgique se classe parmi les bons élèves dans le domaine du recyclage, il reste un point noir: le plastique. Car, jusqu’à aujourd’hui, il n’existe pas de véritable filière active dans le recyclage du plastique. Mais ce sera bientôt de l’histoire ancienne puisqu’en mai 2019, le Gouvernement wallon a décidé d’allouer un budget de 60 millions d’euros pour la création d’une filière industrielle de recyclage du plastique, via notamment la création de 6 unités de recyclages qui traiteront 156 000 tonnes par an. Des projets qui aboutiront à la création de 350 emplois directs au sud du pays.
L’innovation au service de l’environnement
On l’a vu plus haut, le développement de nouvelles technologies occupe une place importante dans ce qu’on appelle communément “l’économie verte”. Un volet recherche et développement au sein duquel le tissu économique wallon est particulièrement dynamique. Notamment dans le domaine des énergies durables. “Nous recensons 400 acteurs actifs dans les technologies des énergies durables”, explique Cédric BRÜLL, le Directeur du Cluster Tweed, spécialisé dans l’énergie, l’environnement et le développement durable. Et c’est l’une des spécificités wallonnes: l’hyper spécialisation et le développement de techniques à hautes valeurs ajoutées. “Nous avons d’excellents ingénieurs et nous sommes particulièrement réputés pour notre savoir-faire, y compris à l’international”, s’enthousiasme le patron de Tweed.
Une expertise qui peut pleinement s’exprimer dans un secteur devenu très compétitif et qui est en perpétuelle mutation. “Aujourd’hui, détaille Cédric BRÜLL, nous observons deux grandes tendances: la baisse importante des coûts du renouvelable. Le solaire et l’éolien sont, par exemple, devenus beaucoup plus accessibles qu’il y a quelques années à peine. Ensuite, le deuxième mouvement est la réflexion sur comment intégrer l’énergie renouvelable dans le réseau avec, comme question sous-jacente, celle évidemment du stockage”.
Faire sauter les obstacles
Et si les technologies évoluent et deviennent accessibles pour une part toujours plus importante d’acteurs, qu’ils soient particuliers ou professionnels, les obstacles ne sont pas pour autant tous relayés au rang des mauvais souvenirs. Selon Cédric BRÜLL: “Si nous sommes excellents dans la R&D, nous éprouvons encore des difficultés à migrer vers des projets matures avec des applications concrètes sur le terrain. Il faut oser tester les choses et enlever les barrières. Des obstacles qui sont parfois légaux ou administratifs et qui n’évoluent pas aussi vite que les techniques. Aujourd’hui, nous n’avons plus l’occasion d’attendre. Il faut prendre des risques, aller plus vite et montrer que les technologies fonctionnent afin qu’un plus grand nombre soit incité à se convertir”.
Et dans le domaine des énergies durables, les pouvoirs publics ont aussi leur rôle à jouer. Que ce soit via le soutien financier à des initiatives menées par des partenaires industriels privés ou via la mise en place d’initiatives innovantes. C’est la voie empruntée par un projet qui a reçu, en juin dernier, le feu vert du Gouvernement wallon, la création d’une station de production et de distribution d’hydrogène pour le réseau TEC de Charleroi.
L’objectif est de faire de l’électrolyse d’eau avec la production électrique issue de l’unité de production énergétique de Tibi (Intercommunale de Gestion des Déchets) à Charleroi. Cet hydrogène servira à alimenter 10 bus du dépôt de Jumet qui seront cofinancés par l’Europe via le projet JIVE.
Le Projet Waste-to-Wheels est porté par un consortium composé de ENGIE, Tibi et SOTRADIA (filiale commune entre SUEZ et la SRIW). ENGIE et SOTRADIA formeront une société commune à responsabilité limitée, dont le capital sera détenu à 50 % par ENGIE et 50 % par SOTRADIA, afin d’investir et exploiter l’installation d’électrolyse, le dispositif de transport de l’hydrogène et la pompe d’alimentation des bus.
Tibi accueillera l’électrolyseur sur le site de son UVE (Unité de Valorisation énergétique) et lui fournira la part d’électricité considérée comme renouvelable.
Les bus électriques à hydrogène peuvent, en effet, fonctionner avec de l’hydrogène “vert” ou “décarboné”, surtout quand il est produit par l’électrolyse de l’eau. Par rapport à un véhicule diesel, ils offrent une solution zéro émission (ni dioxyde de carbone, ni particules polluantes). Ils ont, par ailleurs, un temps de recharge rapide (entre 5 et 10 minutes) et une autonomie d’au moins 300 km.2
L’énergie verte
Planter une éolienne sur le terrain d’une PME afin qu’elle l’alimente en électricité, un beau projet sur le papier mais qui semblait, il y a quelques années encore, extrêmement difficile à mettre en œuvre pour une petite structure. Seules les grandes entreprises avaient alors la capacité d’implanter un ou plusieurs mâts sur leur terrain.
Mais avec la démocratisation des techniques et l’apparition de solutions plus adaptées, comme les éoliennes verticales, les PME ont désormais aussi accès à cette solution énergétique durable.
C’est le choix qu’a fait, par exemple, l’Hôtel Orange à La Louvière. En 2018, une éolienne à pales verticales a été installée à l’arrière de l’hôtel. Construite et installée par l’entreprise Fairwind, basée à Seneffe, ce moulin à vent contemporain est capable de produire 40 000 kwh/an.
Et, quelques mois plus tard, ce sont 5 000 m² de panneaux photovoltaïques qui sont venus garnir la toiture de l’établissement. De quoi fournir 60 000 kwh/an. Avec son mât et ses panneaux, l’hôtel devrait ainsi couvrir approximativement 50 % de ses besoins en électricité. Un investissement dans les énergies durables qui a permis à l’hôtel de recevoir le label “Clé verte”. Une certification qui a notamment, comme conséquence directe, que les clients peuvent désormais payer leur séjour via des éco-chèques.
L’implantation d’éoliennes, ou d’autres solutions durables par les ménages et les entreprises, participe évidemment à l’augmentation de la part des énergies renouvelables en Belgique. Un basculement vers une électricité verte qui est imposé par l’Union européenne. Avec, comme objectif pour 2030, un minimum de 27 % de renouvelable dans le mix énergétique européen.
Pour remplir cet objectif, de nombreux projets, souvent soutenus par des fonds européens, voient le jour, à l’image du projet COMP2BLDES. Un consortium de 5 PME, dont Fairwind et qui a pour objectif de réduire les coûts des petites éoliennes notamment, via l’utilisation de nouveaux matériaux.
Des communautés d’énergie
Si les sources de production d’énergies vertes se multiplient, l’enjeu est, aujourd’hui, de faire coïncider au maximum les besoins énergétiques avec les capacités de production. En résumé, produire ce dont on a besoin au moment où l’on en a besoin. Un objectif difficilement atteignable avec des panneaux solaires ou des éoliennes, des outils soumis notamment aux aléas climatiques.
L’une des solutions passe par le stockage de l’énergie lors des pics de production. Une énergie ensuite délivrée selon les besoins. Mais le stockage est complexe et les solutions existantes ne sont pas encore adaptées aux besoins principaux des particuliers ou des entreprises. Néanmoins, des alternatives existent via, notamment, des dispositifs de récupération d’énergie pour la production d’eau chaude ou de froid (cf. portraits d’entreprises).
En parallèle à ces solutions, un autre concept commence lentement mais surement à émerger: celui des communautés d’énergie. Ou comment mettre en commun ses ressources afin d’en maximiser leurs utilisations. Et, au cœur de ce concept de communautés d’énergie, une PME installée à Braine-le-Comte, a un rôle majeur à jouer.
Créée en 2005 par 7 ingénieurs, Haulogy est spécialisée dans le développement de solutions informatiques avec, comme clients principaux, les fournisseurs d’énergie et les gestionnaires de réseaux. “Nous avons une véritable expertise dans ce marché de niche notamment auprès des petits et moyens acteurs du secteur. Nous sommes leader du marché en Belgique et nous avons pris également position en France et aux Pays-Bas”, explique Charles DELHAYE, CEO d’Haulogy.
Fort de cette expérience, la PME, qui emploie 80 personnes, a vite compris que les communautés d’énergie représentaient un avenir important dans le domaine de la réduction de l’empreinte carbone notamment des entreprises. “Notre objectif est de simplifier au maximum les échanges d’énergie. Les procédures sont complexes et notre solution informatique a pour ambition de les rendre accessibles au plus grand nombre y compris aux plus petites entreprises”, détaille le CEO.
Concrètement, Haulogy permet de faire le lien entre plusieurs producteurs d’énergie, par exemple au sein d’un zoning industriel et de faire correspondre leurs besoins. “L’entreprise qui est équipée de panneaux solaires, plutôt que de réinjecter son surplus d’électricité sur le réseau, pourrait le fournir à l’entreprise voisine. Avec un coût largement inférieur à celui pratiqué par les fournisseurs classiques”, explique Eric VERMEULEN, le “Monsieur Communauté d’énergie” au sein d’Haulogy. Une solution qui, outre l’aspect économique, permet aussi aux entreprises de diminuer leurs émissions de CO2. Un enjeu devenu incontournable et qui imposera aux entreprises de prendre des mesures drastiques si elles ne veulent pas être lourdement sanctionnées notamment par l’Union européenne.
Et, pour Charles DELHAYE, le sud du pays a une véritable carte à jouer dans ce domaine: “La Wallonie est déjà bien avancée dans ce domaine. Nous pouvons clairement être des pionniers. Nos solutions sont prêtes et les outils légaux sont quasiment finalisés”. Et les premières communautés d’énergie ne vont pas tarder à prouver leur efficacité puisque Haulogy planche sur plusieurs projets pilotes. “Nous avons déjà noué des partenariats avec l’intercommunale IDETA et nous avons également un projet particulièrement ambitieux au sein du zoning des Hauts-Sarts à Liège, l’un des plus importants de Wallonie”.
La voie semble donc tracée et, dans ce domaine comme dans d’autres, de nombreux acteurs hainuyers se démarquent. Et les défis sont de taille pour répondre aux enjeux climatiques. Le CEO d’Haulogy le démontre facilement: “Durant le confinement lié au covid-19, les émissions de CO2 ont approximativement diminué de 20 %, seulement 20 %… Alors que d’ici à 2030, l’Europe nous impose de diminuer nos émissions de 30 %”.
Aurélien LAURENT