Véritables poumons sociaux et économiques des villes et communes, les centres-villes ont profondément changé de visages ces dernières années. Certains ont effectué une mue urbanistique importante, d’autres ont retrouvé un nouveau souffle commercial alors que d’autres, encore, peinent à quitter l’ornière de leur déclin. Autant de situations différentes mais avec un point commun: les centres-villes restent au cœur des stratégies et des préoccupations de redéploiement économique, notamment pour les grandes entités où les centres-villes représentent des pôles économiques majeurs aux retombées importantes. En Hainaut, l’enjeu est d’autant plus important que la province concentre, sur son territoire, 5 des 8 grandes villes wallonnes de plus de 50 000 habitants. Et pour assurer l’avenir des centres-villes, de nombreux outils ont été mis en place.
Wallonie commerce
Face aux défis que représente son développement commercial et, singulièrement, le développement commercial en centre-ville, la Région wallonne a décidé de l’ensemble des acteurs actifs dans ce domaine au sein d’une stratégie commune. C’est ainsi qu’est née, en 2017, la plateforme Wallonie commerce. Un outil piloté par l’AMCV, l’Association du Management de Centre-Ville. Une association pionnière dans la gestion de centre-ville.
Via différents partenaires, Observatoire du Commerce, le Schéma régional de Développement commercial, Wallonie Commerce ambitionne d’apporter un soutien concret et pragmatique aux commerçants face aux différents défis qui sont les leurs dans le maintien et le développement de leurs activités. Elle vise également à créer un environnement propice à un développement commercial de qualité sur l’ensemble du territoire wallon. Et pour y parvenir, elle peut s’appuyer sur un large portefeuille d’actions. Des actions concrètes en faveur du commerce qui sont pilotées par des acteurs de terrain. Au contact direct des réalités propres à chaque centre-ville. Du soutien à la création de commerces en passant par des aides à la transmissions d’entreprises jusqu’à un accompagnement à la transformation numérique, les dispositifs sont nombreux.
Ayant son siège social à Charleroi et son site d’exploitation à Mons, l’association possède plus de 20 ans d’expérience en gestion de centre-ville. L’AMCV accompagne les villes dans la mise en œuvre de solutions opérationnelles et pragmatiques pour dynamiser et promouvoir leur territoire. Initiatrice du concept de gestion de centre-ville en partenariat public-privé en Belgique, l’AMCV travaille de concert, depuis 1997, avec les autorités publiques locales, régionales, fédérales, européennes et internationales sur l’ensemble des thématiques liées au centre-ville. C’est notamment l’AMCV qui a, en collaboration avec la Région wallonne, lancé le projet pilote de gestion de centre-ville via 16 villes partenaires. En 2016, l’AMCV a contribué à l’élaboration du Plan wallon de redynamisation du commerce de centre-ville. Un plan qui a, notamment, donné naissance à Wallonie Commerce.
CREASHOP
CREASHOP consiste à accorder des primes pouvant financer jusqu’à 60 % des frais d’aménagement liés à l’ouverture d’un nouveau commerce (avec un plafond de 6 000 €), à condition qu’il réponde à certains critères de qualité et de localisation. L’objectif essentiel est de soutenir l’éclosion d’un commerce de qualité, tout en luttant contre les cellules commerciales vides. Le premier appel à projets a été lancé en 2017 auprès des Pôles urbains FEDER et des villes disposant d’une asbl de gestion centre-ville, à savoir en Hainaut: Charleroi, Châtelet, Dour, La Louvière, Mons, Mouscron et Tournai. Pour cette première phase, la Wallonie a alloué un budget global de 1 200 000 euros.
A Mons, par exemple, la ville a reçu un subside de 25 000 euros pour la création de nouvelles boutiques et la ville a établi deux zones prioritaires: l’axe de la gare (composé de la rue des Capucins, la rue de la petite Guirlande, la rue Rogier, la place Louise et la rue Léopold II) et pour lequel la volonté est d’implanter des magasins sur le thème de la multiculturalité. Le second est le triangle formé par la rue de la Clef, la rue d’Havré et la rue du Hautbois (avec une partie de la rue de Houdain).
En 2020, le projet CREASHOP a permis de soutenir 157 projets pour un montant global de 957 000 euros. Parmi les commerces retenus depuis le lancement de ce premier appel à projets en 2017, on déplore 25 commerces qui ont fermé et 2 qui n’ont jamais ouvert leurs portes. L’ensemble est donc globalement positif.1
Fort du succès de ce premier appel à projet, le Gouvernement wallon a décidé d’élargir le dispositif et d’aller au-delà des 16 pôles urbains majeurs de Wallonie. Ainsi, 35 nouvelles villes et communes considérées comme des sous-bassins de consommation ont été retenues pour intégrer CREASHOP Plus. En Hainaut, Ath, Binche, Chimay, Lessines, Péruwelz et Soignies sont concernées.
Réseau Centres-Villes Wallonie
Un peu avant le cap de l’an 2000, de nouvelles venues sont arrivées dans le paysage des centres-villes wallons: les asbl de Gestion Centre-Ville. Créées à partir de 1997 avec le concours de l’AMCV, ces asbl ont pour but de renforcer la promotion, l’animation et le développement durable d’un centre-ville. Pour cela, elle regroupe les acteurs publics et privés de son centre-ville dans un partenariat local. Un principe unique en son genre lors de sa création et qui, en Hainaut, concerne Charleroi, Châtelet, Dour, La Louvière, Mons, Mouscron et Tournai.
Concrètement, les asbl de Gestion Centre-Ville disposent d’une cellule exécutive composée, au minimum, d’un manager, le cas échéant, d’un adjoint et, en fonction des besoins, de stewards et d’ouvriers urbains. Ces personnes sont engagées par l’association sous contrat de travail par le biais d’aides à l’emploi.
Opérateur aux multiples casquettes, la Gestion Centre-Ville peut remplir un grand nombre de missions:
• renforcer la compétitivité du centre-ville et attirer des investisseurs,
• collaborer à l’implantation d’activités commerciales en ville,
• améliorer le cadre de vie urbain et le cadre d’achat,
• assurer une gestion optimale du domaine public,
• améliorer l’animation du centre-ville,
• collaborer à renforcer la propreté du centre-ville et le sentiment de sécurité,
• répondre aux aspirations de tous les usagers du centre-ville,
• favoriser la création de nouveaux emplois, métiers ou services.
Et, pour assurer la cohésion des 14 asbl Gestion Centre-Ville wallonnes, en 2019, le réseau Centres-Villes Wallonie a été mis sur pied. Une plateforme commune qui a principalement pour but l’échange des informations et la mutualisation d’expériences de terrain. Des échanges peuvent s’appuyer sur les plus de 20 ans d’expériences acquises par les différentes asbl depuis leur création.
Les Agences de Développement local
Si les grands centres urbains peuvent compter sur leur asbl Gestion Centre-Ville ou sur d’autres services communaux ou paracommunaux pour dynamiser leur centre-ville, les plus petites entités ont recours aux Agences de Développement local.
C’est ainsi qu’ont vu le jour, à la fin des années 90, une soixantaine d’agences-pilotes de développement local, opérationnelles sur l’ensemble du territoire wallon. Le dispositif a ensuite été pérennisé par le décret du 25 mars 2004, relatif à l’agrément et à l’octroi de subventions aux Agences de Développement local et par l’arrêté du Gouvernement wallon du 15 février 2007 permettant l’exécution de ce décret.
L’Agence de Développement local (ADL) a pour objectif d’initier et de coordonner des actions partenariales entre acteurs privés, publics et associatifs menant à la création d’activités économiques et d’emplois durables sur son territoire.2
Des Agences de Développement local qui sont accessibles aux communes ou regroupements de communes de moins de 40 000 habitants. Les missions des ADL sont détaillées dans un décret:
• réunir l’ensemble des acteurs locaux dans un partenariat de développement local;
• initier et animer ce partenariat qui associe les pouvoirs publics, les secteurs privés et associatifs sur le territoire de la commune ou des communes associées;
• identifier la nature des besoins et des potentialités locales en tenant compte des aspects économiques de la création d’emplois;
• déterminer, dans le plan d’actions, les objectifs prioritaires et mettre en œuvre ceux-ci;
• susciter et coordonner les actions partenariales définies dans le plan d’action;
• utiliser prioritairement les ressources et le savoir-faire en vue de développer les capacités d’entreprises du territoire communal et de maintenir ou développer l’emploi durable;
• articuler le développement local avec les autres outils et organes de développement territorial de niveaux communal, intercommunal, provincial, régional, fédéral et européen.
URBAN RETAIL
Les centres-villes wallons ont un grand ennemi commun: les cellules commerciales vides. Les stigmates d’un déclin que toutes les villes et communes tentent de combattre avec des succès divers. Les situations étant très différentes d’une ville à l’autre. Mais la tendance générale n’est pas à l’amélioration; les principaux centres-villes souffrant de la concurrence toujours plus grande des centres commerciaux installés en périphérie. Comme l’a encore rappelé l’AMCV dans son dernier rapport annuel paru en septembre 2020.
Pour tenter de contrer ce phénomène, le concept d’URBAN RETAIL a été lancé dans le cadre de Wallonie Commerce. Ainsi, la plateforme de pop-ups stores Urban Retail met en relation directe candidats-occupants et propriétaires de biens commerciaux situés dans les centres-villes wallons, afin d’y lancer une nouvelle dynamique.
Entièrement gratuit, sans frais, ni commission, cet outil mis en ligne à la disposition de tous, encourage la création d’activités commerciales nouvelle génération.
Et le principe est simple: mettre en relation le propriétaire d’une cellule commerciale vide et un porteur d’un projet, ou un intermédiaire comme une couveuse d’entreprise, une ADL ou une asbl de Gestion Centre-Ville.
Pour les propriétaires, elle offre une opportunité de mettre en avant leur bien, sans engagement et gratuitement. Pour les porteurs de projets, le concept leur permet de signer un bail court (3 mois) et de tester leur(s) produit(s) ou leur(s) service(s) en limitant les risques financiers liés à une occupation de plus longue durée.
Les maternités commerciales
Pour dépasser le stade du pop-up store ou magasin éphémère, de nombreuses communes se sont dotées de maternités commerciales. C’est-à-dire une surface qu’un néo entrepreneur ou commerçant va pouvoir occuper pour une durée définie, souvent maximum 5 ans, avec un loyer modéré et évolutif. Un processus qui permet, à la fois, d’accompagner l’éclosion de nouveaux commerces et, pour les villes, de donner une nouvelle vie à des locaux commerciaux inoccupés.
A Mons, par exemple, la ville dispose de 13 locaux commerciaux. Des lieux rachetés et rénovés via un financement des fonds FEDER.
A Soignies, la ville, via son ADL, met à disposition deux espaces de 60 m² en plein cœur du centre-ville.
L’Observatoire du Commerce
Mis en fonction en 2015, en parallèle du Schéma régional de Développement commercial, l’Observatoire du Commerce exerce une compétence consultative générale en matière de commerce en Wallonie. Composé de membres et d’experts sectoriels (environnement urbain, protection du consommateur, politique sociale et mobilité durable), l’Observatoire du Commerce remet des avis variés, tant sur des projets très concrets d’implantations commerciales que sur des schémas locaux ou régionaux, ainsi que sur des projets de décrets et d’arrêtés. L’Observatoire est l’un des organes consultatifs du Conseil économique, social et environnemental de Wallonie.
Encore parfois méconnu, l’Observatoire du Commerce est un outil précieux dans les stratégies de développement économique et commercial des villes et communes. Organisation apolitique, sa composition lui permet de prendre des décisions en dehors des influences partisanes. Son Président est actuellement le Directeur de l’UCM des arrondissements de Verviers et de Huy, Jean JUNGLING. La Vice-Présidence est assurée par Bernadette MERENNE, Géographe et Spécialiste en Commerce et Développement du Territoire.
Il doit être consulté pour tous les projets de plus de 2 500 m². Il est fréquent que les villes et communes le sollicitent pour des plus petites surfaces, alimentaires ou non.
Les avis rendus se fondent sur 5 critères: l’intérêt du consommateur, celui des commerces existants, l’aménagement urbain, la mobilité et l’emploi. “Au fil des ans, explique Jean JUNGLING, la pondération de ces critères a évolué positivement. Par exemple, la proximité est devenue une valeur. La qualité des emplois est prise en compte; de ceux qui sont créés comme de ceux qui pourraient être détruits.”3
Si les décisions de l’Observatoire ne sont pas toujours suivies par les responsables politiques, son influence est néanmoins bien réelle. Des dossiers sont régulièrement modifiés à la suite de ses avis. D’autres sont même abandonnés. En 2020, l’Observatoire du Commerce a rendu 120 avis.
Digital Commerce
La crise de la Covid-19 l’a rappelé, l’e-commerce est devenu incontournable. Et ceux qui ne l’avaient pas encore adopté n’ont pas eu d’autre choix que de s’y soumettre pour tenter de poursuivre, même en mode mineur, leur activité durant les périodes de confinement.
Une mutation technologique parfois difficile, en particulier pour les commerces de proximité indépendants. Car l’e-commerce nécessite des compétences et souvent aussi des moyens importants. Autant d’éléments qui viennent s’ajouter à un quotidien déjà surchargé pour de nombreux commerçants. Initiée dans le cadre du Plan Wallonie Commerce, l’action Digital Commerce a pour but de les aider à réussir cette transition digitale.
Entre 2018 et 2019, pour sa première édition, l’action Digital Commerce a abouti à l’organisation de 40 ateliers, partout en Wallonie, en collaboration avec le Syndicat neutre pour Indépendants et de l’AdN (Agence du Numérique – Digital Wallonia) sur des thèmes comme les réservations en ligne et les prises de rendez-vous automatisées, les paiements sans contact, l’utilisation des réseaux sociaux pour les actions marketing, etc.
Cette année, une nouvelle édition a été lancée. Des actions adaptées à la Covid avec, principalement, des webinaires interactifs. Ces sessions seront articulées autour de 3 grandes thématiques:
• la visibilité Web et l’usage professionnel des réseaux sociaux;
• l’e-commerce à la fois pour les commerçants qui n’ont pas (encore) d’e-shop ainsi que pour les vendeurs en ligne;
• le site Web, élément essentiel du digital marketing.
Un passage au e-commerce qui ne doit pas s’envisager comme un remplacement du commerce traditionnel, mais plutôt comme un atout supplémentaire. Une diversification qui peut contribuer à la pérennisation du commerce physique. Un enjeu majeur pour le tissu économique wallon. On compte, en effet, pas moins de 24 000 points de vente au détail (dont environ 10 000 commerces de proximité indépendants) pour un chiffre d’affaires de plus de 21 milliards d’euros4. Des chiffres qui font du secteur du commerce le premier employeur privé en région wallonne avec environ 90 000 salariés et 30 000 indépendants.
Aurélien LAURENT